une création multimédia de ClairObscur

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Vivre, aimer, créer dans l’ombre d’un géant : tel fut le sort de plusieurs créatrices au tournant du siècle dernier, pouvant difficilement exister autrement que dans la lumière d’un homme. Camille Claudel, animée d’une fureur créatrice jusqu’à son internement à 49 ans, vécut une passion tourmentée avec Auguste Rodin, passion qui nourrit son art autant qu’elle la consuma. L’un des plus grands sculpteurs français, elle n’aura jamais eu la possibilité de vivre de son travail simplement parce que née femme. On imagine comment la répression des pulsions créatrices de ces femmes face au sexisme inhérent à leur époque a pu compliquer leur psyché et leur épanouissement, et, dans certains cas, contribuer à faire basculer leur santé mentale.

Le droit de créer des femmes et la valeur de leur travail dans notre société actuelle ne sont certes plus remis en question. Il reste cependant que la réalité est plus complexe que les discours officiels et les intentions : qu’en est-il du travail des artistes du passé dont la reconnaissance tarde à faire consensus ? Nous sommes encore loin de l’équité en termes de reconnaissance des artistes féminines du passé. Il importe que notre regard se porte sur leur travail et que l’on réfléchisse à ce qui a fait qu’à leur époque, on les a laissé se flétrir dans l’ombre du géant créateur masculin.

La pièce centrale du concert, Camille Claudel : Into The Fire, du compositeur américain Jake Heggie, s’inspire de six sculptures majeures de Claudel, en les reliant à des épisodes biographiques ou éléments de sa psyché : déception amoureuse (Rodin), passion ardente (La Valse), incessant recommencement du cycle amour-rupture (Shakuntala), avortements cachés (La Petite Châtelaine), délire paranoïaque (The Gossips, ou Les Causeuses), séparation définitive (L’Âge mûr), retrait du monde (Epilogue, visite à l’asile d’une ancienne compagne d’atelier).

Contemporaine de Camille Claudel, Germaine Tailleferre est l’unique membre féminine du Groupe des Six, qui comptait entre autres Francis Poulenc et Darius Milhaud. Bien que son père et ses deux époux aient tout fait pour semer des embûches sur son chemin de musicienne, elle persévéra et laissa un corpus d’œuvres nombreuses, variées et d’une grande qualité. Depuis quelques années, un nouvel intérêt se manifeste pour son travail. Pour accompagner son Quatuor à cordes, vous découvrirez des œuvres de peintres féminines contemporaines de Claudel et Tailleferre.

Les Trois chansons de Bilitis, de Claude Debussy, occupent une place particulière dans ce programme, Debussy et Claudel ayant entretenu une grande amitié pendant quelques années, celui-ci possédant un exemplaire de La Valse qu’il gardait dans son cabinet de composition. L’auteur des textes, Pierre Louÿs publia les Chansons de Bilitis en déclarant avoir traduit ce recueil grec antique écrit par Bilitis, poétesse à la plume simple, portant l’image d’une sensualité antique libre. Il révéla plus tard la supercherie en s’avouant l’auteur du mythe. Pourtant, il semble que cette Grèce antique fantasmée où la femme est libre de ses amours et de ses inclinaisons laisse imaginer un environnement littéraire et artistique du Paris du tournant du siècle, où la libération de la femme est peut-être souhaitée par les esprits les plus progressistes, mais encore bien loin de s’appliquer, hélas, dans le quotidien des femmes artistes.                                                                                   

Stéphanie Pothier 

STÉPHANIE POTHIER – voix, photographie, conception vidéo

Mezzo-soprano au timbre à la fois sombre et rayonnant, Stéphanie Pothier est soliste invitée de compagnies telles l’Opéra de Montréal et de Québec, I Musici, Chants Libres, Festival de Lanaudière, Clavecin en concert… Ses engagements incluent Parsifal sous la direction de Yannick Nézet-Séguin etla Fantaisie chorale de Beethoven avec l’OSM et Kent Nagano.

Active sur la scène contemporaine, elle a créé entre autres Vera Lynn dans Another Brick in The Wall (Opéra de Montréal), Dalimah dans L’Orangeraie (Chants Libres) et Marguerite Yourcenar dans Yourcenar – une île de passions (Opéra de Montréal/Festival d’opéra de Québec/Violons du Roy). Elle a fondé Projet ClairObscur pour développer des concerts multimédias et fusionner sa pratique photographique à son travail d’artiste lyrique.

QUATUOR MOLINARI

Récipiendaire de vingt Prix Opus et acclamé par le public et par la critique musicale internationale depuis sa fondation en 1997, le Quatuor Molinari se consacre au riche répertoire pour quatuor à cordes des 20e et 21e siècles. Il est qualifié par la critique d'ensemble "essentiel" et "prodigieux", voire de "pendant canadien aux quatuors Kronos et Arditti". Il s’est produit au Canada, en Europe et en Asie et ses CD reçoivent les critiques élogieuses de la presse internationale.

JULIEN-ROBERT - conception vidéo

Julien-Robert est un compositeur et artiste multidisciplinaire explorant la relation entre son et visuel. Il crée des performances et des installations audio-visuelles alimentées par son parcours et son expérience musicale.

Il a d’abord étudié la composition instrumentale et électroacoustique avant d’élargir son champ artistique à la création vidéo et aux dispositifs interactifs. En créant ses œuvres, il accorde une grande importance à leur mise-en-scène afin de faire vivre aux spectateurs l’expérience la plus complète et authentique possible. Il travaille actuellement, en collaboration avec Julien Compagne, sur le développement d’une nouvelle forme artistique combinant en un seul objet musique, vidéo et technologie au sein de leur groupe Video Phase.

PROJET CLAIROBSCUR

Projet ClairObscur est l'initiative de la mezzo-soprano et photographe Stéphanie Pothier, qui s’associe ici à Julien-Robert, concepteur vidéo, pour explorer des voies nouvelles pour bonifier l'expérience du concert de musique de chambre par des propositions multimédias mêlant musique classique et création contemporaine.

En croisant la musique de concert avec la photographie et la vidéo, Projet ClairObscur développe des expériences de concerts immersives à mi-chemin entre le concert traditionnel et l'opéra à grand déploiement.  Ses artistes visent à mêler créations nouvelles et répertoire québécois avec la musique classique. Des projets de créations collaboratives entre compositeurs, créateurs de contenus visuels et interprètes sont mis de l'avant afin de décloisonner les disciplines et de créer des œuvres de concerts uniques.

Les créations de Projet ClairObscur reçoivent le soutien du Conseil des arts et des lettres du Québec, du Conseil des arts du Canada ainsi que du Conseil des arts de Montréal.

Crédits photos d'artistes: Stéphanie Pothier: Pierre-Étienne Bergeron; Quatuor Molonari: Elizabeth Delage; Julien-Robert: Maxime Boisvert.

La création et la production du concert Camille Claudel : dans l'ombre du géant a été réalisée grâce au soutien précieux du Conseil des arts et des lettres du Québec, du Conseil des arts de Montréal.
Nous remercions la Music Performance Trust Foundation pour son soutien lors de la présentation du 18 novembre 2022 ainsi que lors des concerts annulés de l'hiver 2022.
Le concert est présenté par le CAM en tournée lors des représentations suivantes: 22, 24, 26 et 30 novembre et 1er décembre 2022, 16 mars, 29 avril et 10 mai 2023.