Vous êtes invités à consulter le programme à l'aide de votre téléphone avant et après le concert.
Merci d’éviter de le consulter pendant le concert, car l’éclairage de votre téléphone dérangera les autres spectateurs ainsi que les artistes.
Équipe artistique
Stéphanie Pothier : voix, piano préparé, co-conception vidéo, direction artistique et générale
Rosalie Asselin : piano
Julien-Robert : composition musicale, co-conception vidéo, direction technique
Anne-Sara Gendron : scénographie et conception d'éclairages
Programme musical
Gabriel Fauré (1845-1924) : La fleur qui va sur l'eau
Gabriel Fauré : Les berceaux
Franz Liszt (1811-1886) : Nuages gris
Rhené Jaque (1918-2006) : Voix du Golfe
Claude Debussy 1862-1918) : Brouillards
*Julien-Robert (1983-) : Confluents, 1 - Nuages, pour voix et traitement électronique
Claude Debussy : Jardins sous la pluie
*Julien-Robert : Confluents, 2 - Tempête, pour piano préparé et voix et traitement électronique
Maurice Ravel (1875-1937) : Les grands vents venus d'outremer
*Julien-Robert : Confluents, 3 - Mer déferlante, pour piano et traitement électronique
Hector Berlioz (1803-1869) : Mort d'Ophélie
Lily Boulanger (1893-1918): Reflets
*Julien-Robert : Confluents, 4 - Fonds marins, pour piano préparé à quatre mains et traitement électronique
* Julien-Robert : Confluents, œuvre en quatre mouvements pour voix, piano préparé et traitement électronique en direct, présentée en première mondiale
De l'origine du projet - notes de création
Je suis née dans une petite ville riveraine, un endroit où beaucoup de gens viennent profiter d’un beau grand lac. Le lac m’apparaissait pourtant comme un espace limité, un espace fermé dont on fait le tour avant de retourner chez soi. C’était une eau calme et tranquille, un peu trop stagnante et somnolente pour une fille qui rêvait de s’évader et de baigner dans l’effervescence…
J’ai quitté ma petite ville à 16 ans pour étudier dans la grande ville. Dès ma première traversée du pont, le large fleuve et son débit vif m’appelaient comme une porte ouverte sur un voyage sans limite, sans destination fixe, comme une liberté étourdissante qui pouvait aller loin, loin... C’est du clocher de Notre-Dame-du-Bon-Secours que j’aimais observer ses eaux qui roulaient sans relâche. Le fleuve était un symbole de tous les possibles, la clé de tous les départs, les risques de ses remous aussi…
Lors d’un été assombri par une déception amoureuse, j’échoue chez mes parents, dans la ville au lac tranquille. Pour me tirer de mes humeurs noires, ma cousine me propose de remonter le fleuve avec elle. Nous voilà donc toutes deux engagées sur ce qui sera mon premier tour de la péninsule gaspésienne. Un coup de foudre à faire oublier toutes les peines d’amour. L’eau. Le fleuve. La mer. Forillon. Le frette du mois d’août qui surprend le fond des poumons. Les feux de camp sur des roches millénaires. Le souffle des baleines la nuit. Les fossiles qui tombent du Rocher. La liberté vertigineuse jusqu’à l’horizon du Bout du monde et plus loin encore. L’impression d’appartenir au temps, depuis toujours et pour l’éternité.
Depuis, j’ai souvent remonté le fleuve tant au nord qu’au sud, je me suis arrêtée à toutes ses latitudes et sur ses nombreuses îles. À chaque fois, je me retrouve là où j’atteins quelque chose de moi-même qui ne se révèle que lorsque mes pieds touchent l’eau vive.
Puis arrive l’éteignoir de joie, l’étouffoir de vitalité. Épuisée par les quinze premiers mois du cauchemar pandémique, je décide de m’abreuver au fleuve pour retrouver ma force vive. Je pars, seule, vers ma Gaspésie d’amour, avec ma caméra et un micro. Une lune de miel, en plein confinement des régions, les plages désertes de mai ne permettant de croiser que les Gaspésiens, leurs chiens et les pêcheurs lançant leurs cages depuis les homardiers.
J’ai ramené des images et des sons de ce périple vivifiant. Mon complice de création m’a accompagnée du début à la fin dans cette exploration de l’eau : il m’a composé des eaux sonores en quatre tableaux, des terrains de jeux d’eau sur lesquels nous avons joué avec mes images.
Nous avons un peu déconstruit le fleuve, nous avons jonglé avec ses attributs, fait tourbillonner ses écumes, ses vagues, ses ressacs, sa fine flore, ses évaporations nuageuses. Nous avons aussi voulu montrer la tempête que nos actions y déclenchent, menaçant son équilibre.
Il est étourdissant de penser que chaque goutte d’eau que l’on touche est là depuis des millénaires. Quand on s’arrête pour s’y reconnecter vraiment, nous ne pouvons que ressentir un ancrage puissant et intemporel avec le vivant.
Je ne suis pas née près du fleuve : mes racines territoriales ne s’y sont pas abreuvées. Je m’y suis transplantée sans même en être consciente : bouturée, mes racines ont poussé dans cette eau, elles y ont puisé des sédiments qui se sont déposés en couches successives sur mon limon d’artiste et de femme. C’est maintenant à ce territoire que je m’abreuve. Je suis née de ces eaux.
Stéphanie Pothier
De la mer aux nuages
Ce concert est la troisième création scénique Projet ClairObscur, duo multidisciplinaire formé de Stéphanie Pothier (voix, photographie, co-conception vidéo) et de
Julien-Robert (co-conception vidéo, composition).
Alors que nous sommes dans une course contre la montre pour sauver notre environnement, notre lien avec l’eau est mis de l’avant, tant comme élément essentiel à la vie que dans la menace que
représente la fonte de la calotte glaciaire, la hausse du niveau des mers et la détérioration des milieux aquatiques, amenant une réaction en chaîne sur les perspectives de survie des espèces
vivantes, tant humaines et animales que végétales. Confluents est une invitation à la méditation sur la beauté, la puissance et la valeur de l’eau et de ses milieux, mais aussi un appel à
réfléchir sur sa dégradation causée par l’activité humaine.
Le fleuve Saint-Laurent, qui a façonné l’histoire de l’occupation du Québec, est au cœur de l’inspiration de ce projet. Force marine, artère vitale traversant le territoire, vivifiant sa population, nourrissant faune et flore : les artistes l’ont suivi jusqu’en Gaspésie où il devient mer, pour en ramener images et sons qui, transformés et plus ou moins perceptibles, deviennent composantes d’œuvres à la fois concrètes et abstraites. Avec les œuvres de répertoire et les musiques originales composées par Julien-Robert et interprétées par Stéphanie Pothier (voix) et Rosalie Asselin (piano), le duo a développé la conception vidéo à quatre mains à partir d’images sources tournées par Stéphanie le long du fleuve et de la mer de Montréal jusqu’en Gaspésie, ainsi que sur d’autres cours d’eau du territoire québécois. Anne-Sara Gendron s'est jointe à l'équipe pour la conception de la scénographie et des éclairages.
Assez librement, Stéphanie et Julien-Robert ont développé quatre thèmes, comme des humeurs ou des états de l’eau : les mystérieux fonds marins, les nuages intangibles, les mouvements de la mer déferlante et la tempête qu’y provoque actuellement l’activité humaine. Les quatre mouvements de Confluents, constituent des pivots, des carrefours, des confluents qui mènent à des changements de thématiques dans le déroulement du programme musico-visuel.
En complément du concert, l’exposition Confluents – De la mer aux nuages, première exposition en tandem de Julien-Robert et Stéphanie Pothier, est actuellement présentée au Quai 5160 . D’abord conçus pour le concert De la mer aux nuages, il est rapidement apparu pertinent aux artistes que les quatre tableaux vidéo de Confluents soient diffusés dans le contexte d’une installation et ainsi permettre à un plus large public de l’apprécier et d’avoir sur l’élément « eau » une réflexion sensible, guidée par une expérience esthétique et artistique. Accompagnant les quatre tableaux vidéo, les Marines, une série d’images extraites de Fonds marins et imprimées sur panneaux verticaux d’acrylique sont suspendues à travers le parcours, évoquant les algues et la transparence des milieux aquatiques.
Les artistes - notes biographiques
Projet ClairObscur
Artistes initialement issus du domaine de la musique de concert, Julien-Robert, compositeur et artiste numérique et Stéphanie Pothier, mezzo-soprano et photographe collaborent depuis 2018 sous le nom de Projet ClairObscur à la création de concerts multimédia (Arborescence (2018), Camille Claudel : dans l’ombre du géant (2020-22), De la mer aux nuages (2023)).
Cherchant à créer un pont entre la performance sur scène et la création visuelle, leurs projets multidisciplinaires font dialoguer musique de répertoire classique et lyrique, musique de création, photographie, vidéo, peinture, sculpture et art numérique.
Leur démarche artistique consiste, à partir de matériel-source filmé et photographié par Stéphanie et la musique composée par Julien-Robert ou la musique d'autres compositeur.trices, à développer en tandem la conception vidéo afin que les images et la musique soient symbiotiques. Les deux composantes (musique et vidéo) se modifient en cours de création pour qu’on ne perçoive pas deux éléments juxtaposés mais bien qu’ils soient fusionnels dans une véritable œuvre vidéo-musique.
Stéphanie Pothier, mezzo-soprano et artiste multidiscipinaire
Mezzo-soprano au timbre à la fois sombre et rayonnant, Stéphanie Pothier évolue dans un vaste répertoire lyrique, allant de la musique baroque à vocalises aux créations contemporaines et aux œuvres romantiques. Stéphanie Pothier allie chant et aisance théâtrale pour donner vie à la musique tant au concert qu’à l’opéra.
Elle est soliste invitée de nombreux ensembles et compagnies : Opéra de Montréal et de Québec, Orchestre Métropolitain, Orchestre symphonique de Montréal, Chants Libres, I Musici, Festival de Lanaudière, Clavecin en concert, Grands Ballets Canadiens… Elle chante sous la direction de chefs réputés, dont Yannick Nézet-Séguin, Lorraine Vaillancourt et Kent Nagano.
Ses engagements récents incluent Parsifal et la Messe no 3 de Bruckner sous la direction de Yannick Nézet-Séguin, la Messe L’Homme Armé de Jenkins au Festival de Lanaudière avec Stephen Layton, la Fantaisie chorale de Beethoven avec l’OSM et Kent Nagano, les Requiem de Verdi, Mozart et Duruflé, Alexander Nevsky de Prokofiev, la Missa Solemnis et la Neuvième Symphonie de Beethoven et la Petite Messe Solennelle de Rossini.
Très active sur la scène de la musique contemporaine, elle crée plusieurs rôles, dont Vera Lynn dans Another Brick in The Wall (Opéra de Montréal), Dalimah dans L’Orangeraie (Chants Libres) et le rôle-titre dans Yourcenar – une île de passions (Opéra de Montréal/Festival d’opéra de Québec/Violons du Roy).
Stimulée par le croisement des disciplines, Stéphanie crée en 2018 le collectif Projet ClairObscur afin de concevoir des récitals multimédias et des vidéos d’art incorporant ses pratiques photographique et lyrique par des propositions multimédias mêlant musique classique et création contemporaine.
Julien-Robert, compositeur et artiste numérique
Julien-Robert est un compositeur et artiste multi-disciplinaire explorant la relation entre son et visuel. Il crée des performances et des installations audio-visuelles alimentées par son parcours et son expérience musicale.
Il a d’abord étudié la composition instrumentale et électroacoustique avant d’élargir son champ artistique à la création vidéo et aux dispositifs interactifs. En créant ses oeuvres, il accorde une grande importance à leur mise-en-scène afin de faire vivre aux spectateurs l’expérience la plus complète et authentique possible. Il travaille actuellement, en collaboration avec Julien Compagne, sur le développement d’une nouvelle forme artistique combinant en un seul objet musique, vidéo et technologie au sein de leur groupe Video Phase.
Rosalie Asselin, pianiste
Artiste d’une grande polyvalence, Rosalie Asselin apporte sa musicalité et son énergie à un grand éventail de projets, de l’opéra à l’orchestre, en passant par le récital et le chant choral. Avec Jeunesses musicales Canada, elle a participé à quatre tournées d’opéra pancanadiennes. Elle a œuvré auprès de l’Orchestre symphonique de Montréal en tant que répétitrice des chœurs sous la direction de chefs tels Kent Nagano, Jacques Lacombe et Andrew Megill. Depuis plusieurs années, elle tient les parties de piano dans l’Orchestre des Grands ballets canadiens. Avec cette formation, elle a été soliste à l’automne 2019 dans L’amant de Lady Chatterley et au printemps 2023 dans la production Requiem (Concerto no 9 de Mozart) et assure, depuis 2019, les répétitions de certaines productions. Elle a joué pour les étudiants en chant de la Faculté de musique de l’Université de Montréal, en plus d’être chef de chant à l’Atelier lyrique de l’Université de Sherbrooke. Elle est également invitée comme accompagnatrice à l’académie du Domaine Forget depuis 2009. Parallèlement à son implication auprès de ces grandes institutions, Rosalie a pris part en 2017 à la création d’un récital de mélodies de compositeurs québécois salué par la critique, Le bout cassé de tous les chemins, et à Arborescence, la première création de Projet ClairObscur, tous deux en compagnie de la mezzo-soprano Stéphanie Pothier. En 2020, elle a été pianiste pour l’opéra Nelligan au TNM et a participé à l’enregistrement, sous étiquette ATMA, de cette production.
Anne-Sara Gendron, scénographe et conceptrice d'éclairages
Anne-Sara cumule les expériences dans le domaine des arts de la scène. Passionnée par l’espace en tant que lieu de représentation, elle s’intéresse à la conception d’espaces scéniques par le biais de la scénographie et de la conception d’éclairage. Elle travaille également comme directrice technique pour des créations ainsi que des tournées locales et internationales. Intéressée par les arts vivants, particulièrement pour leur rapport au public toujours renouvelé, Anne-Sara s’intéresse autant au théâtre, qu’à la danse, la musique ou la performance.
Notes sur Confluents
1- Nuages
La voix est traitée électroniquement pour développer des strates en transparence, des traînées semblables à la vapeur d’eau, en harmonie avec la vidéo, suggérant le mystère qu’évoque les nuages qui dès l’enfance stimulent l’imagination : serpents de mer, boucles de Poséidon, esprit de l’eau sublimé... que trouverait-on aux confins des nuages, dans ces gouttes qui se trouvaient sûrement un jour dans les profondeurs des mers?... l’eau y a-t-elle transporté dans les vertigineuses altitudes des réminiscences de ce qu’elle a vue aux profondeurs abyssales des mers?... En superposition, l’omniprésence du souffle de la chanteuse rappelle le vent déplaçant les nuages.
2- Tempête
La composante musicale électronique et les sons particuliers du piano préparé, beaucoup plus présents que dans les autres tableaux, font écho à une présence humaine dissonante dans l’élément naturel et à l’impact du développement industriel sur ce dernier. Contrastant avec les autres tableaux de la série par son rythme et son traitement plus concret, Tempête intègre des images de déchets photographiés dans les cours d’eau, ainsi que des bribes-artefact de mélodies de répertoire classique du concert De la mer aux nuages, évoquant la « tempête » et le dérèglement climatique générés par l’activité humaine. Malgré les signaux d’alarme et l’urgence de réagir à la catastrophe en cours, geysers de déchets, continent de plastique, marées noires et surconsommation menacent de faire basculer irréversiblement l’équilibre des écosystèmes.
3- Mer déferlante
Périple au cœur des humeurs de la vague, dans des métamorphoses lentes, de l’observation sur la berge à son déchaînement qui fait perdre pied, jusqu’à entrer dans l’écume oxygénée de ses bulles effervescentes, le caractère hypnotique de la vidéo fait écho au traitement électronique du piano évoquant éclaboussures, montées de vagues impérieuses, ressac, scintillement.
4- Fonds marins
La musique exploite des sonorités inusitées que l’on peut tirer du piano et de la voix : des fils à pêche installés dans le piano permettent des sons « filés » suggérant chants de baleines et grincements de coques de paquebots, alors que le souffle (voix) rappelle le plongeur dans le silence aquatique, alors que le fil visuel évoque la descente vers les profondeurs marines, le mystère et la richesse d’écosystèmes le plus souvent invisibles à l’humain.
Stéphanie Pothier
Remerciements
Nous remercions les organismes suivants pour le soutien financier ayant rendu possible ce concert:
Conseil des arts et des lettres du Québec
Conseil des arts du Canada
Conseil des arts de Montréal
Nous remercions chaleureusement les lieux qui nous ont accueilli en résidences de création:
Quai 5160 - Maison de la culture de Verdun
Maison de la culture Notre-Dame-de-Grâce
Maison de la culture Plateau Mont-Royal